Avec ce programme, Joël Suhubiette propose à l’auditeur une expérience musicale particulière et intemporelle.
Au milieu des motets, chorals, extraits de cantates de Bach se glissent des compositions de Mendelssohn et Brahms, a capella ou encore avec basse continue, images d’une modernité allant puiser ses sources et son inspiration dans l’œuvre du cantor de Leipzig.
Notes de programme
Alexandre Villemaire
Cantate et choral
La cantate se développe en Italie au XVIIe siècle, époque de grand essor pour l’art vocal baroque. Comme l’opéra, duquel elle s’inspire, la cantate est souvent basée sur un livret dont le sujet peut être profane, mythologique ou religieux et alterne chœurs, récitatifs et airs de solistes précédés d’une ouverture instrumentale. Plusieurs compositeurs allemands qui étudieront en Italie l’adapteront à leur contexte religieux. Ainsi, pour les luthériens, la cantate d’église tient lieu de sermon musical servant à accompagner l’Évangile du dimanche. Plusieurs des cantates de Bach ou d’autres pièces pour chœurs sont basées sur des chorals luthériens. Il s’agit d’un chant, bien souvent monodique, qui prend son origine de la réforme protestante de Martin Luther amorcée au XVIe siècle. Afin d’amener à une plus grande participation et implication des fidèles lors de services religieux, les textes de ceux-ci étaient en langue vernaculaire et la mélodie pouvait à la fois être tirée d’un chant grégorien ou d’une mélodie profane. Les diverses œuvres pour chœurs mises à l’honneur dans ce programme mettent de l’avant l’écriture des chorales allemandes des XVIIe et XIXe siècles. Le programme met également en relief l’interrelation entre les œuvres de Bach, Mendelssohn et Brahms.
Le répertoire
« Bach transforme en église chaque maison où l’on chante sa musique » dira Felix Mendelssohn à qui l’on doit la redécouverte de la musique du Kantor de Saint-Thomas au XIXe siècle. Il s’inspirera du style mélismatique de Bach dans ses œuvres de jeunesse avant de trouver sa propre voie dans un langage qui s’apparente plus à celui de Haendel. Le texte du choral Mitten wir im Leben sind [Au cœur de la vie] arrangé tout en finesse par Bach est repris par Mendelssohn dans une version agrandie pour huit voix, d’une grande force où le thème de Luther, grandement modifié, est entonné par les voix d’hommes avec grande solennité. Et auquel les voix de femmes répondent par une ligne éthérée. Le caractère majestueux de l’œuvre contraste avec le « Adspice Domine », très animé, et le « Te deum laudamus » à la riche polyphonie haendélienne. L’écriture de Bach et Mendelssohn sera mise en opposition dans le traitement musical que chacun fait du choral Aus tiefer Not schrei ich zu dir [Du fond de ma détresse, je crie vers toi]. Le duo Den Tod niemand zwingen kunnt [Nul ne pouvant vaincre la mort] est une page d’une grande sensibilité et d’une douce expressivité où le mot « mort » est accentué de manière obsessionnelle.
Le romantisme mendelssohnien et le motet-choral dans le style de Bach sont parmi les caractéristiques de l’écriture chorale de jeunesse de Johannes Brahms. Le motet Es ist das Heil uns kommen [Le salut nous est venu] est empreint de ces esthétiques alors que le motet O Heiland Reiss die Himmel auf [Ô Seigneur, ouvre les cieux], fait montre d’un attachement à la musique ancienne (écriture modale ; cadences sans tierces ; contrepoint) où les cinq vers sont traités avec de différents affects avant de se conclure par un Amen final complexe. Le Kyrie « Christe, du Lamm Gottes » en fa majeur avec ses entrées de voix contrastantes et le motet Lobet den Hernn [Louez le Seigneur] avec ses passages imagés à la fois graves et dansants encadrent ce programme que divers mouvements de la Sonate pour clavecin et violoncelle en sol majeur viennent lier avec des pages expressives et gaies.





[TEASER] Comme Bach !




